PHOTOgraphie en vue
Nothing/Something
Le portrait photographique d'enfant paraît a priori une
veine facile. Un plan un peu serré sur une bouille encore épargnée par la vie, pour peu que la couleur de la chair ne soit pas trop trahie, il est vrai que cela " rend " bien. Puisque notre culture
définit avant tout les enfants comme des non-adultes, on ne se pose pas trop les sempiternelles questions de vérité psychologique ou de typologie sociale.
Les visages de mouflets offrent à leurs parents le miroir narcissique qu'ils attendent et aux autres, un support impeccable pour les expérimentations esthétiques.
Chacun semble y trouver son compte jusqu'à ce qu'un trublion vienne chanter une autre chanson. Quelqu'un qui ne croit pas trop à la douce fiction du paradis perdu, quelqu'un qui se souvient combien
cela peut cogner avec violence au début.
C'est en tout cas ce que semble tenter Véronique Boissacq dans la trentaine d'images exposées à la galerie Arthus. Des images à première vue lisses comme celles des studios des bons faiseurs de pub.
A ceci près que l'auteur parvient - par quelques phrases, quelques
rapprochements à l'accrochage ou astuces à la prise de vue - à en troubler la lecture. Ici, deux jumeaux côte à côte interrogent le
" morphing " de la nature.
Un peu plus loin, des gamins et des filles absorbés dans une écoute offrent un regard en absence. Entre les deux, une série bien troussée tisse le récit froid d'un passage
à la piscine. On pense alors à Sally Mann, en oubliant les quelques portraits trop réussis, manifestement pas de la même eau.
Entre le rien et quelque chose, comme entre les jumeaux d'ailleurs, la différence est parfois ténue. Cependant, elle suffit.
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| Texte: Jean-Luc Bodson
La Libre Culture - Expo 2004 |